Rêveries

Des envies de bout du monde.

La nature sauvage et belle, la force du vent, le cri des oiseaux, l'éternel bruit des vagues à l'assaut des rochers, la caresse du soleil, le sel qui picote les lèvres.

Bleu-vert de la mer, pourpre violacé des bruyères, ocre brun des roches.

La perfection de la nature, libre, sauvage, effrayante et majestueuse.

Emplir mes poumons de tous ces parfums mélangés, l'océan, les plantes chauffées par le soleil, et rire de plaisir.

Courir dans les herbes hautes, sourire en les sentant fouetter et griffer mes jambes nues.

Enfoncer les pieds dans le sable chaud, douce brûlure sur la peau fine avant la morsure glacée de l'eau sur les chevilles, les mollets, les cuisses.

Crier d'effroi et de plaisir en sautant dans les vagues comme une enfant.

Tout oublier pour ne garder que le plaisir de l'instant, la spontanéité, la joie pure.

Frissonner sous le vent, me lover contre sa chaleur, attraper du bout de la langue la goutte d'eau salée qui roule sur sa peau.

M'étendre près d'elle parmi les herbes, entre sable et roche, comme un lit improvisé offert par la nature complice, et inventorier les merveilles dévoilées, mille fois imaginées.

Écarter le coton pour ne plus sentir que la soie chaude, écouter le ressac se mêler aux soupirs, le souffle qui se coupe dans les gémissements du vent...

Bout du monde, fin de Terre, hors du temps,

être plus que jamais vivante, plus que jamais animale, instinctive, laisser mes sens me guider,

m'échapper de mes cases, m'évader de ma cage, vivre aujourd'hui intensément jusqu'à en oublier l'existence d'un demain.

Jouir de l'instant à coeur perdu, laisser la passion m'emporter corps et âme, comme un insecte aveuglé par la flamme, sachant pourtant que la chaleur du feu me brûlera les ailes, mais m'y jeter quand même, qu'importe,

victime consentante, victime sacrificielle, je suis mon propre bourreau.

Rêveries coupables, obsessionnelles,

écartelée entre deux mondes, entre deux vies,

l'esprit vagabond déjà marqué d'une lettre écarlate.